mercredi 12 novembre 2008

Le Réveil Islamique dans les médias occidentaux

بسم الله الرحمان الرحيم
Au Nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux


يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آَمَنُوا إِنْ جَاءَكُمْ فَاسِقٌ بِنَبَأٍ فَتَبَيَّنُوا

O vous les croyants, si l'un des transgresseurs des limites de la jurisprudence d'Allah vient à vous avec une nouvelle, vérifiez la véracité de cette nouvelle… (Sourate 49 Al-Hujurât, ayah 6)


La prédominance des médias dans la vie quotidienne, la position privilégiée qu'ils occupent sur la scène socioculturelle, leur rôle primordial dans la formation de l'opinion publique et leur force de manipulation des masses sont des faits incontestables. Ils doivent tout cela à plusieurs facteurs parmi lesquels on compte les effets de quantité et de répétition.
En effet, le flot diluvien d'informations qui passent quotidiennement à une vitesse vertigineuse et leur répétition à une cadence infernale rend difficile l'analyse critique et lucide de ce qu'on lit, voit ou entend.
En outre, en l'absence de l'avis contraire, forger sa propre opinion et élaborer une idée claire, précise et aussi proche de la réalité que possible devient une tâche ardue, sinon impossible.

Quelle image donner de l'Islâm?

L'Islâm est devenu ces dernières années (bien avant l'11 septembre 2001) l'une des questions les plus brûlantes de l'actualité internationale. Il occupe ainsi une part importante de l'information et passe souvent à la une.
L'attitude des médias occidentaux présente beaucoup de similitudes quel que soit le pays où se manifeste "l'islamisme". Dans leur présentation de l'Islâm, les médias évitent la transmission exacte des faits, le rapport fidèle des événements et la définition rigoureuse des phénomènes et se limitent aux descriptions vagues et aux schématisations réductrices. L'image qu'ils dressent de l'Islâm se base sur deux concepts fondamentaux: la marginalisation et la diabolisation.

Les marginaux de la civilisation…

Dans le processus de construction de l'image qu'on désire attribuer aux adhérents des mouvements islamiques, l'idée de marginalisation ou "clochardisation" est une pièce maîtresse. Elle est reprise par l'ensemble des moyens d'information qui présentent les tendances islamiques comme des super agglomérats de retardés mentaux et de bons à rien, formant de véritables poubelles humaines…
Le consommateur d'information non avisé finit par croire que les institutions islamiques représentent des pôles attractifs de tous les marginaux de la société, et garde l'impression qu'un certificat d'incapacité mentale est un préalable à l'adhésion à tout mouvement islamique.

"Intellectuels contre Obscurantistes"

Toutes les analyses médiatiques s'accordent pour expliquer l'adhésion aux mouvements islamiques par une contrainte dictée par les conditions socio-économiques déplorables que vivent les pays musulmans, comme si le libre choix du mode de vie islamique était contraire au bon sens, parce que antagoniste à la "raison des lumières"; les mouvements populaires sympathisant avec l'idée islamique sont très souvent caricaturés par un gigantesque amas d'estomacs vides, par une foule d'affamés ayant perdu la capacité de discerner le bien du mal.

On oppose trop fréquemment des mots et des expressions tels que "islamistes" contre "intellectuels"; "forces progressistes" et "courantes obscurantistes"; "intégristes" contre "modernistes", ou encore "promesses de mouvements démocratiques éclairés" contre "fatalité du choix islamique légal".
Si telle est la triste réalité, alors ce que l'on ne parvient pas à élucider c'est la raison pour laquelle les pouvoirs politiques en place dans les pays les plus touchés par les courants islamiques doivent-ils recourir aux forces policières pour faire taire la voix des Musulmans à l'université, et que justifie cette volonté acharnée d'avoir la mainmise sur les salles de prière partout où elles existent: dans les hôpitaux, dans les différents départements de l'administration publique, dans les centres universitaires, etc.
N'est-il pas plus convenable pour tout individu qui se respecte et qui veut commenter la montée de l'islamisme, de commencer d'abord par s'interroger sur l'ampleur du phénomène et mesurer ses ramifications dans l'ensemble des tranches de la société dans laquelle il se manifeste?

Il est vrai que l'ensemble des sociétés musulmanes ont sombré dans une léthargie des siècles durant, ce qui les a conduit à l'accumulation d'une multitude de tares et à la sédimentation d'une large variété de handicaps. Elles se réveillent sur une situation dramatique d'analphabétisme et sur un seuil alarmant de pauvreté, souffrant d'un malaise interne généralisé.
Il est également juste de dire que tous les mouvements révolutionnaires ont en commun la capacité d'attirer la masse de gens les plus démunies, les couches sociales les plus défavorisées, tous ceux qui se sentent touchés par une quelconque forme d'injustice et qui aspirent au changement vers le meilleur. Les mouvements islamistes, à vocation rénovatrice, n'échappent pas à cette règle.
Celui qui observe la façon dont ces mouvements gèrent ce phénomène, par exemple dans les pays arabes, notamment en Algérie et en Égypte, constate qu'il s'agit d'une stratégie élaborée scrupuleusement et avec clarté et qui se distingue parfaitement des formes usuelles d'exploitation de la contestation populaire. En effet, on est en présence d'un véritable chantier dans lequel s'effectue la canalisation des forces vives de la société et où on ne fait pas usage des promesses mensongères et souvent irréalistes qui caractérisent les périodes fiévreuses préélectorales dans le monde entier, mais où l'on expérimente sur le terrain les volets éducatifs et de solidarité sociale qui occupent une place magistrale dans le projet islamique de société.

La diabolisation multiforme

A l'image monochrome d'un islamiste ignorant et abruti, les médias ajoutent une coloration de terreur qu'on propage en le présentant comme un sanguinaire brandissant son sabre et s'apprêtant à traverser la mer pour "égorger la civilisation".
Les islamistes sont tantôt comparés aux fascistes, tantôt aux nazis. Les effets puissants des mots et des images sont habilement conjugués pour produire chez le public le summum de la répugnance.

L'examen de la terminologie souvent utilisée en évoquant le réveil Islamique, permet de découvrir un éventail réduit de mots se limitant à: Charia, fatwa, fanatisme, foulard, harem, intégrisme, lapidation, polygamie, tchador, etc… Par défaut de saisir le sens exact de ces termes l'on se contente de significations déformées, au meilleur des cas très superficielles, qu'on a apprises, si bien d'ailleurs, dans les fascicules d'histoire de l'école primaire.

Une réflexion sur les motifs de cette pénurie linguistique s'impose et l'on est amené à laisser ouvertes deux éventualités, soit il s'agit d'un jargon préparé intentionnellement et établi avec soin à des fins bien précises, soit il s'agit d'un indicateur qui éclaire sur le niveau étonnamment rudimentaire de la culture générale de la majorité des journalistes et sur leur solde de vocabulaire extrêmement réduit en matière de culture et de civilisation islamique, qui les conduit souvent à avancer des contrevérités historiques flagrantes. Cette insuffisance du bagage culturel et le manque d'expertise qui en découle, regrettables vu l'étendue des moyens de perfectionnement mis à leur disposition, devrait les retenir de se lancer dans des débats houleux, émettant analyses et réflexions aux manières des maîtres initiés.

Parallèlement au choix judicieux des mots, toutes les techniques modernes de formation de l'image visuelle sont exploitées: l'angle de prise de vue, le cadrage, l'éclairage et le contraste, rien n'est épargné ou laissé au hasard. On s'engage à fond pour offrir au public un véritable spectacle d'horreur et on met tout en œuvre pour faire de ces "barbus" des monstres effrayants et de ces "voilées" de réels fantômes, devant lesquels les extraterrestres de Steven Spielberg et les vampires de Roman Polanski sont des créatures de rêve.

Droits de l'Homme et devoir d'ingérence humanitaire

Ce sont là deux concepts qui au premier abord des médias occidentaux semblent être nés tous les deux à Paris. On les associe souvent à la Révolution française de 1789, qui a eu des répercussions dans tout le monde occidental, aux efforts du talentueux rené Cassin, au lendemain de la 2ème Guerre, dans l'élaboration de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et à l'acharnement du très médiatisé Bernard Kouchner pour adopter et légaliser le principe de "devoir d'ingérence humanitaire" dont il fait son cheval de bataille dans sa lutte pour la défense des minorités ethniques.

Ce n'est donc pas étrange de voir les médias français faire usage de ces concepts chaque fois que des mouvements islamiques réclament la participation à la gestion de leurs propres affaires. Les sonnettes d'alarme sont immédiatement tirées, les feux de détresse allumés et l'on se jette dans un catastrophisme sans limites suggérant au public qu'il est en présence d'un véritable fléau menaçant l'avenir de l'humanité.
Toutefois, dès que l'atteinte aux Droits de l'Homme touche ces milieux islamistes, l'ensemble des moyens d'information en occident tombent alors dans des incohérences et des contradictions grotesques. Tous les idéaux et valeurs d'humanisme s'évaporent, cèdent la place au pragmatisme pur et incontrôlé.
L'existence de camps de concentration dans les pays arabes alliés de l'Occident est présenté comme "guerre contre le terrorisme", la torture des Frères Musulmans en Égypte, les déportations en masse des Palestiniens, les abus contre les prisonniers à Guantanamo ou Abou Gheib comme pratique systématique semblent avoir perdu de leur effet sensationnel; ils ne sont, par conséquent, pas à signaler…
Le silence accablant sur la violation des Droits de l'Homme en Tunisie, en Algérie, au Maroc, en Afghanistan et Irak occupés, et au Sénégal est poussé à l'extrême. Les très rares condamnations timides de certaines organisations non gouvernementales de défense des Droits de l'Homme sont souvent rapportées en chuchotant.
Les prises de position en faveur des causes justes et la lutte contre les atteintes aux Droits de l'Homme sont apparemment réservées à certains groupes ethniques et à certaines classes sociales.

La carte "féministe"

Chaque fois que l'on évoque l'islamisme dans les médias occidentaux, la condition de la femme surgit au premier plan… Ainsi, ils auraient bombardé l'Afghanistan des Talibans pour "libérer" nos sœurs de leur voile!...
Les témoignages et les débats organisés autour de cette question son déséquilibrés. On y invite toujours les mêmes "oratrices", dont la représentativité de la femme arabe, africaine, musulmane peut être facilement mise en doute, qui n'arrêtent pas de comparer l'arrivés des "islamistes" au pouvoir à l'inhibition de la moitié des forces vives de la société. L'éventualité que la femme puisse trouver son compte dans un système islamique ne leur passe jamais à l'esprit.

Et pourtant, si la situation de la femme en Afrique ou dans certains pays arabes est déplorable à certains égards, c'est plutôt par insuffisance d'islamisation de la société.
La femme africaine, qui supporte parfois le poids des coutumes usées, ancrées dans une société comparable à la "Jahiliyyah" (époque de l'ignorance avant l'Islâm), que l'Islâm est venu transformer, a tout à gagner dans un système qui lui garantit ses droits civils, politiques, économiques et sociaux, et qui ne la prive pas de sa qualité d'être humain.
Ceci lui est de loin plus favorable que le mode de vie qu'on lui propose dans les médias occidentaux, et qui la réduit à un bien de consommation.

Laïcité et démocratie

Ces valeurs républicaines qui font la fierté de tout l'Occident, et notamment de la France, sont devenus les critères de base pour juger tous les systèmes politiques existants. L'usage que font les médias de ces concepts est symptomatique du syndrome de "l'égocentrisme civilisateur".
L'expérience occidentale de gestion de la société est prise pour un modèle universel immuable et infaillible. Le moins que l'on puisse dire de cette attitude est qu'elle représente une forme primitive de fanatisme, et reflète un manque d'ouverture au patrimoine universel.

En outre, l'inconsistance des prises de position à ce sujet est déconcertante. Elle échappe à toute logique et défie tout raisonnement rationnel.
Le régime consultatif islamique semble être plus irritant que les démocraties chrétiennes et les assoiffés de sang que sont les islamistes ne doivent en aucun cas accéder au pouvoir, même s'ils passaient par les urnes. Ainsi, si dans certains pays complètement colonisés, esclaves de l'Europe et des Etats-Unis, comme la Tunisie et le Sénégal, est interdit la présentation aux élections des Partis islamiques, dans les pays où les Musulmans ont gagné, les "démocrates" les ont combattus, soit par un coup d'état (en Algérie, après la victoire du Fis), soit avec un "embargo" même alimentaire, comme dans le cas du Hamas en Palestine…

La relativisation du concept de démocratie fait son apparition chez ceux-là même qui en ont été pendant longtemps les fervents adeptes et qui se posent maintenant la question de savoir s'il est applicable aux peuples qui n'ont pas encore atteint un "degré acceptable de majorité politique".

Cette heureuse désacralisation du concept de démocratie devrait permettre d'ouvrir les yeux sur d'autres formes de gestion de la société et de considérer en particulier l'alternative du régime consultatif islamique avec plus d'attention et de respect afin de découvrir tous ses mérites.

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